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3 mars 2021

Rapport sur le Monitoring des violations et atteintes aux Droits de l’Homme commises au Burundi. Période du mois de Février 2021

ACAT-Burundi

Rapport-de-monitoring-des-violations-des-droits-humains-de-lAcat-Burundi-pour-février-2021

Plan du présent rapport
  • INTRODUCTION
  • ASSASSINATS ET ENLÈVEMENTS
  • ARRESTATIONS ARBITRAIRES ET DÉTENTIONS ILLÉGALES
  • ATTEINTES À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE
  • CONCLUSION
  • RECOMMANDATIONS

 

  • INTRODUCTION
La crise politico-sécuritaire que traverse le Burundi depuis Avril 2015 continue d’alimenter les violations des droits de l’homme au détriment du peuple burundais qui en paie le lourd tribut alors qu’il aspire comme ailleurs à un État de droit. La tendance des violations des droits de l’homme documentées depuis le début de la crise politique en Avril 2015 reste inchangée.
Il s’agit principalement des exécutions sommaires, des disparitions forcées, des arrestations et des détentions arbitraires, des actes de torture et des mauvais traitements qui continuent à être observés.
Les victimes de ces violations restent en majorité des opposants au Gouvernement et/ou au parti au pouvoir (le Conseil National pour la Défense de la Démocratie – Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) ou des personnes perçues comme telles : membres de partis politiques d’opposition (en particulier du Congrès National pour la Liberté (CNL), le parti fondé par l’ancien leader des FNL, Agathon Rwasa et du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD), les sympathisants de groupes armés d’opposition, des burundais tentant de fuir le pays et de ce fait suspectés de rejoindre ces groupes, ou journalistes et membres d’organisations de la société civile. Les agents de l’État à l’instar des policiers, des agents du Service National de Renseignement (SNR) associés aux miliciens Imbonerakure jeunes affiliés au parti au pouvoir le CNDD-FDD, sont pointés du doigt comme les auteurs présumés de ces violations massives des droits de l’homme. L’impunité est devenue un mode de gouvernance au profit des auteurs présumés de ces violations qui semblent être à l’abri des poursuites judiciaires.
Les élections présidentielles, législatives et communales organisées en date du 20 Mai 2020 ont été organisées dans un climat de peur suite aux actes de harcèlement à l’endroit des militants de l’opposition en particulier les membres du CNL. Cette seule journée du triple scrutin a vu des violations des droits humains notamment des arrestations arbitraires par centaine des membres du CNL surtout les mandataires politiques à travers tout le pays.
Nous avons aussi observé des cas d’emprisonnements, des cas de tortures et même des cas d’assassinats.
La commission d’enquête des Nations-Unies sur le Burundi a déploré dans son rapport du 17 Septembre 2020 que la situation des droits de l’homme ne s’est pas malheureusement améliorée, la Commission d’enquête n’a pas relevé de signes d’amélioration tangible de la situation des droits de l’homme malgré les déclarations à cet effet du nouveau chef d’État burundais. « A ce jour, nous constatons peu de changements positifs depuis l’entrée en fonction du Président Évariste Ndayishimiye », a déclaré le Président de la Commission d’enquête de l’ONU, Doudou Diène, lors de la publication de son quatrième rapport à Genève le 17 Septembre 2020. Le Président de la commission suggère qu’il y ait « des transformations profondes et durables ».
Parmi « les facteurs de risque » mis en avant par les enquêteurs onusiens, le plus important reste « le rétrécissement continu de l’espace démocratique depuis2015 ». Le rapport des forces n’a pas changé et désormais « le parti au pouvoir concentre les pouvoirs » à tous les niveaux dans « une proportion tout à fait inédite ». Dans ces conditions, l’opposition politique, la presse et la société civile n’ont plus vraiment la capacité d’agir comme contre-pouvoirs légitimes et demander des comptes au gouvernement burundais.
Les enquêteurs onusiens ne notent pas également de changements sur la « quasi-totale impunité » dont jouissent des responsables administratifs locaux et surtout les membres de la ligue des jeunes du parti CNDD-FDD, les « Imbonerakure ». Ces derniers sont encore les principaux auteurs de toutes ces violations, tout comme des agents du Service national de renseignement (SNR) et de la police et des autorités administratives locales.
À travers ses publications, ACAT-Burundi reste engagée dans un plaidoyer actif contre ces violations graves en collaborant notamment avec les mécanismes régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme dans l’espoir que les victimes ou leurs familles puissent exercer leur droit à porter plainte auprès des instances judiciaires qui garantissent un procès équitable.
Concernant la période couverte par le présent rapport, vingt-trois (23) cas d’assassinats, trois (3) cas d’enlèvement, dix-neuf (19) cas d’arrestations arbitraires et détentions illégales, ainsi que six (6) cas d’atteintes à l’intégrité physique, ont pu être répertoriés.
Malheureusement, dans la plupart des cas, les présumés auteurs ne sont pas inquiétés : des corps sans vie et pour la plupart non identifiés sont encore retrouvés dans différents endroits du pays comme les rivières, les buissons ou dans des lieux non éloignés des habitations. En plus, les cadavres trouvés sont vite enterrés par l’administration sans avoir été identifiés. Mais dans tout cela, s’il y avait une volonté de poursuivre les présumés auteurs, toutes les démarches seraient prises pour y arriver.
  • ASSASSINATS
Les phénomènes d’assassinats et d’enlèvements deviennent de plus en plus récurrents au Burundi et se sont accrus même durant cette période post-électorale. Ainsi pour cette période du mois de février 2021, l’ACAT-Burundi a pu répertorier, vingt-trois (23) cas d’assassinats.
1. En date du 1er Février 2021, une femme du nom d’Alice Muhimpundu a été poignardée par des inconnus à son domicile situé sur la colline Masare, commune Nyarusange de la province de Gitega. Les mobiles de cet assassinat restent inconnus. Sa famille ainsi que ses voisins demandent des enquêtes afin de connaître les auteurs de ce crime ;

2. En date du 1er Février 2021, un corps sans vie d’un militant du parti CNL (Congrès National pour la Liberté), ancien combattant du FNL (Forces Nationales de Libération) connu sous le nom de Fabien Nziyumvira, a été découvert dans un champ de riz situé dans une localité dénommé Tenga, située en zone Kinama de la commune Ntahangwa en mairie de Bujumbura. Selon des informations en provenance de cette localité, la victime avait été arrêtée par des gens en tenues policières à bord d’un véhicule de type Probox sans plaque d’immatriculation chez lui dans la nuit du 29 Janvier de cette année ;

3. En date du 1er Février 2021, un corps sans vie de Cyprien Cubwa, militant duCNL (Congrès National pour la Liberté), boutiquier et résidant à Mushasha 1 de la zone Gatumba, commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura, a été découvert près de la rivière Rusizi. Les Imbonerakure de la localité ainsi que le chef de cette zone de Gatumba sont pointés du doigt par les habitants d’avoir commis ce meurtre ;

4. En date du 02 Février 2021, un corps sans vie de Pierre Dusabe, exerçant le métier de vélo-taxi et chargé de l’idéologie du parti CNL (Congrès National pour la Liberté) au quartier industriel de la zone Ngagara, a été découvert flottant sur le lac Tanganyika à l’endroit appelé Kumase situé dans cette même zone de la commune Ntahangwa de la mairie de Bujumbura. Ses proches pointent du doigt deux Imbonerakure dont un certain Gratien Bizoza et Herman Kwishura de l’avoir assassiné ; 

5. En date du 02 Février 2021, un garçon de 15 ans de la colline de Mugaruro, zone Musenyi, commune Mpanda de la province Bubanza a été battu à mort par un responsable communal des Imbonerakure connu sous le nom de Thomas Ndereyimana. Ce dernier avait reçu l’autorisation des parents de la victime afin qu’il le punisse. Ce jeune garçon était accusé par ses parents d’avoir violé sa nièce de 3 ans à plusieurs reprises. Le père et la mère du défunt ainsi que la sœur de Thomas Ndereyimana, mère de l’enfant violée ont été arrêtés par la police et Thomas quant à lui est toujours recherché ;

6. En date du 07 Février 2021, Colette Ndikumana, âgée de 57 ans, et son domestique Tharcisse Nsabimana, âgé de 40 ans, résidant sur la colline Ruvumu, de la commune Kiganda, province Muramvya ont été tués à leur domicile à coups de grenade par des inconnus. La fille de Colette du nom de Clotilde Ndayizeye a été légèrement touchée et évacuée au centre de santé de Kiganda pour des soins. Des conflits fonciers seraient à l’origine de ces assassinats selon l’administration locale qui indique également que la police a procédé aux arrestations de deux suspects dans le cadre d’une enquête ;

7. En date du 09 Février 2021, des inconnus ont poignardé un certain Melchiade Ndihokubwayo, résidant sur la colline Mugoyi de la commune Mugongo-Manga de la province de Bujumbura. La victime a succombé à l’hôpital de Rwibaga des suites de ses blessures. Le mobile de ce meurtre n’est pas encore connu ;

8. En date du 11 Février 2021, un corps sans vie d’un militant du parti CNDD-DD (Conseil National pour la Défense de la Démocratie – Forces pour la Défense de la Démocratie) connu sous le nom de Jean Claude Nganahe a été découvert près de son domicile situé au quartier Kavumu de la zone Kamenge en commune Ntahangwa de la mairie de Bujumbura. Des sources sur place précisent que la victime avait été enlevée la veille dans son bistrot par des hommes en armes et en tenues policières à bord d’un pickup ;

9. En date du 11 Février 2021, un corps sans vie d’un homme en décomposition a été découvert sous une dalle dans un caniveau situé au quartier INSS, sur l’avenue Muyinga de la zone Rohero, commune Mukaza de la mairie de Bujumbura. La police judiciaire s’est rendue sur les lieux et a dit avoir commencé des enquêtes ;

10. En date du 11 Février 2021, Elicha Ngomirakiza a été assassiné par des Imbonerakure, parmi eux un certain Dieudonné, puis jeté dans la rivière Rusizi au pied de la colline Kaburantwa de la commune Buganda de la province de Cibitoke. La victime venait de la République Démocratique du Congo où elle se rendait souvent à la recherche du travail en vue de gagner sa vie. La police a arrêté l’épouse du présumé auteur du meurtre et dit être à la recherche du meurtrier qui a pris le large après le forfait ;

11. En date du 12 Février 2021, un corps sans vie d’Herménégilde Cishahayo, militant du CNL (Congrès National pour la Liberté), fusillé au niveau de la nuque, a été découvert près de son domicile situé dans la localité de Kizingwe- Bihara, zone Kanyosha, en commune Muha de la mairie de Bujumbura. Ses proches indiquent qu’il avait été porté disparu le 10 Février2021 ;

12. En date du 15 Février 2021, un corps sans vie ligoté et poignardé au niveau de la gorge de Raymond Nsanzeryaka, un militant du parti CNL (Congrès National pour la Liberté) a été retrouvé enfoui dans les roches de la rivière Kanyosha, dans la localité de Nkenga-Busoro, zone Kanyosha en commune Muha de la Mairie de Bujumbura. Des sources proches de la victime indiquent qu’elle avait participé à la célébration du deuxième anniversaire de son parti au jardin public la veille et qu’elle n’était pas rentrée comme prévu à la maison le même jour. Ses proches accusent les Imbonerakure d’être derrière ce meurtre ; 

13. En date du 18 Février 2021, un corps sans vie d’un homme qui n’a pas été identifié a été découvert dans la rivière Maragarazi au pied de la colline Buhema de la commune Kayogoro en province de Makamba. Les présumés auteurs de cet assassinat ainsi que les circonstances dans lesquelles l’homme a été tué restent inconnus ;

14. En date du 19 Février 2021, un militant du parti CNL (Congrès National pour la Liberté) connu sous le nom de Jules Iranganje, résidant dans la localité de Buhina, zone Kiyenzi en commune Kanyosha de la province Bujumbura, a été tué poignardé chez lui aux environs de 21h00. Deux jeunes Imbonerakure Réverien Sezibera et Hilaire Mazambo ont été observés sur le lieu du crime et sont pointés du doigt dans ce meurtre. La victime avait échappé à un attentat le 07 Février 2021, où un groupe de quatre (4) Imbonerakure lui avait tendu une embuscade, après il s’était réfugié dans la zone Musaga avant de revenir chez lui le 15 Février 2021 ;

15. En date du 20 Février 2021, Odette Ntagahoraho, résidant sur la colline Remera de la zone Buhayira, commune Murwi de la province de Cibitoke, a été assassinée à son domicile à coups de machettes par des inconnus. Le présumé auteur de ce meurtre a été arrêté par la police pour enquête ; 

16. En date du 23 Février 2021, Jean Marie Nderagakura, conducteur de voiture taxi en mairie de Bujumbura, originaire de la colline Musivya, commune Gisozi de la province de Mwaro a été assassiné par un policier du nom de Jérôme Iranzi. Ce dernier reprochait à la victime d’avoir gêné la circulation sur le tronçon BNDE (Banque Nationale pour le Développement Économique). Des gens qui se trouvaient sur le lieu du crime demandent que ce policier soit puni conformément à la loi ; 

17. En date du 23 Février 2021, un corps sans vie d’une jeune fille non identifiée, d’une vingtaine d’années, a été découvert dans la marée séparant les quartiers Bwoga et Rweru de la commune et province de Gitega. Selon les témoins, la victime présentait des blessures profondes au niveau de la tête. La victime aurait été violée avant d’être tuée. Le corps a été conduit à la morgue de l’hôpital de Gitega ; 

18. En date du 25 Février 2021, le corps sans vie de Janvier Niyonkuru, originaire de la colline de Mugano de la commune Buraza en province de Gitega, a été découvert sur la colline et zone de Muyange de la commune Nyanza-Lac en province de Makamba. La victime a succombé à ses blessures suite à des coups reçus. Les informations en provenance de cette localité indiquent que la victime était un ancien prisonnier relâché par la grâce présidentielle. La police locale dit avoir ouvert une enquête pour déterminer les causes et les auteurs du meurtre ; 

19. En date du 25 Février 2021, un corps sans vie ligoté présentant des signes de torture d’Epimac Ndabaroheye, un démobilisé du FNL (Forces Nationales de Libération), résidant dans la localité de Mushasha 1, zone Gatumba en commune Mutimbuzi de la province Bujumbura, a été retrouvé près de la rivière. Selon une source locale, la victime avait été portée disparue le 23 Février 2021 ; 

20. En date 25 Février 2021, un corps sans vie fusillé d’Aimé Claude Birutabose, travailleur de la société de gardiennage ASEC et militant du parti CNL (Congrès National pour la Liberté) a été découvert près de chez lui dans la localité de la transversale 15 zone Maramvya, en commune Mutimbuzi dans la province Bujumbura. Ce militant très influent du CNL avait été emprisonné à deux reprises depuis le 20 Août 2020 le jour des élections. Ses proches accusent les jeunes Imbonerakure d’être derrière son assassinat ; 

21. En date du 26 Février 2021, un corps sans vie du directeur du Lycée communal Rukaramu, militant du parti CNDD-FDD, connu sous le nom d’Eric Nijenahagera, âgé de 35 ans, a été découvert dans un champ de riz situé entre les blocs 6 et 8 de la zone Rukaramu, commune de Mutimbuzi en province de Bujumbura. Les auteurs et les mobiles de son assassinat ne sont pas encore déterminés. Cependant, les habitants de cette zone Rukaramu révèlent qu’Eric Nijenahagera n’était pas en bons termes avec le chef de cette zone également militant du parti au pouvoir, connu sous le nom de Léonidas Nibigira et que ce dernier l’avait déjà menacé de mort à maintes reprises. Le présumé auteur a été appréhendé pour des raisons d’enquêtes ; 

22. En date du 26 Février 2021, un corps sans vie de Vianney Misago a été découvert dans la foret naturelle de la Rukoko en commune Gihanga de la province de Bubanza. Les informations en provenance de cette localité indiquent que la victime avait été enlevée au mois de Janvier dernier par des gens non identifiés à bord du véhicule du Service National de Renseignements à Bubanza.

23. En date du 26 Février 2021, Cyprien Bicanayandi, militant du FRODEBU (Front pour la Démocratie au Burundi) et commerçant de la localité de Gitara, zone Gitara de la commune Mabanda, province Makamba, a été assassiné à son domicile par des personnes non identifiées portant l’uniforme de la Police Nationale du Burundi. Ce commerçant venait de rentrer du centre Mabanda où il s’était réfugié en début de l’année 2020 suite à la persécution dont elle a été victime de la part des Imbonerakure de sa colline.

 

  • ENLÈVEMENTS

1. Bernard Nzeyimana, résidant sur la colline Rubirizi de la commune Mutimbuzi en province de Bujumbura, a été enlevé à son domicile en date du 19 Février 2021 par des personnes non identifiées à bord d’un véhicule double cabine aux vitres teintées et sans plaque d’immatriculation. Il a été embarqué dans ce véhicule vers une destination inconnue. Ses proches craignent pour sa sécurité ;

2. Les proches de deux (2) militants du parti CNL (Congrès National pour la Liberté), connus sous les noms de sixte Nduwimana et Absalon Ndikumana, résidant dans la localité de Buhonga, zone Ruyaga, en commune Kanyosha de la province Bujumbura, sont sans nouvelles d’eux depuis le 21 Février 2021. Quatre agents du Service National de Renseignement dans cette localité dont un certain Julien Minani dit Kuvuga, Simon Bararivuza, Albert Nahonsigaye et Yvan Misigaro les ont arrêtés près de l’église catholique de Buhonga, personne ne les a revus et leurs proches craignent pour leur sécurité du moment qu’ils les ont cherché dans tous les cachots sans succès.

 

  • ARRESTATIONS ARBITRAIRES ET DÉTENTIONS ILLÉGALES

Plusieurs cas d’arrestations arbitraires et de détentions illégales ont été opérés au cours de ce mois de Février 2021. Cette chasse à l’homme dirigée contre les opposants ou supposés au Gouvernement actuel est conduite principalement par des miliciens Imbonerakure soutenus par les administratifs en vue de les traquer.

Ainsi pour cette période, dix-neuf (19) cas d’arrestations arbitraires et détentions illégales ont été répertoriés.

1. En date du 02 Février 2021, deux (2) militants du parti CNL (Congrès National pour la Liberté), connus sous les noms d’Arthémon Bizimana et Juvénal Iracanye, résidant dans le quartier Nkenga-Busoro de la zone Kanyosha, commune Muha en mairie de Bujumbura, ont été arrêtés par les Imbonerakure ainsi que le chef de ce quartier pour avoir tenu la réunion de leur parti au sein même de leur permanence. Ils ont été détenus au cachot de la zone Kanyosha ;

2. En date du 03 Février 2021, Théodosie Ncishahayo, veuve de 6 enfants et commerçante au chef-lieu de la province de Karuzi, a été arrêtée sur mandat signé par le procureur de province. Elle est détenue au commissariat provincial. Elle a été accusé par le gouverneur d’avoir tenté de l’assassiner en l’ensorcelant. Une accusation rejetée par la victime et ses voisins qui disent que depuis 30 ans de vie dans cette province de Karuzi, elle entretenait de bonnes relations avec son entourage ;

3. En date du 10 Février 2021, cinq (5) personnes connues sous les noms de Fulgence Niyongabire, Révérien Nshimirimana, Prince Muhozimana, Alexis Ndayishimiye, et Rose Ndereyimana, ont été arrêtées par la police après une fouille perquisition qu’elle a opérée dans les ménages se trouvant sur la colline Jimbi de la commune Kibago en province de Makamba. Des sources sur les lieux précisent que les personnes arrêtées l’ont été alors qu’aucune charge n’a été retenue contre elles ;

4. En date du 10 Février 2021, deux (2) étudiants de l’université du Burundi en vacances chez eux dans la localité de Masama, zone Mubone en commune Kabezi dans la province de Bujumbura, connus sous les noms d’Abdon Sinunguruza et Egide Manirambona, ont été arrêtés par des agents du Service National de Renseignement dont Philippe Ciza et Ferdinand Ndabo dit Mutwe. Accusés de venir recruter pour la rébellion, ils ont été torturés avant d’être embarqués dans le véhicule du chef de renseignement dans la province de Bujumbura, puis conduits dans les
cachots du Service National de Renseignement en mairie de Bujumbura. Personne n’a droit de leur rendre visite comme le confirme notre source ;

5. En date du 11 Février 2021, deux (2) jeunes frères Yvan Kubwayo et Liboire Wacewaseme, militants du parti UPD-ZIGAMIBANGA, récemment rapatriés de la Tanzanie, résidant dans la localité de Bukirasazi, zone Kinama en commune Ntahangwa de la mairie de Bujumbura, ont été arrêtés à leur domicile et embarqués dans un véhicule double cabine appartenant au service des renseignements par un agent de ce service connu sous le nom d’Athia. Leurs familles sont sans nouvelles d’eux depuis leur arrestation et craignent pour leur sécurité du moment qu’ils ont cherché dans tous les cachots sans succès ;

6. En date du 12 Février 2021, un militant et membre du comité exécutif du parti UPRONA (Union pour le Progrès National), connu sous le nom de Roger Gateretse, a été arrêté à son domicile situé au quartier Mutanga-Nord
de la zone Gihosha, commune Ntahangwa de la mairie de Bujumbura, par les agents du Service National de Renseignement, dirigés par un certain Éric Nkurunziza. Nos sources précisent que l’ordre de l’arrêter a été donné par le président de ce parti et deuxième vice-président de l’assemblée nationale en la personne d’Abel Gashatsi. Il est détenu au cachot du Service National de Renseignement à Bujumbura. Le motif de son arrestation ne lui a pas été communiqué. Les mêmes sources indiquent que Roger Gateretse a été brutalisé au moment de son arrestation et serait dans un état critique au cachot et personne n’est autorisé à lui rendre visite ;

7. En date du 19 Février 2021, Bernard Nzeyimana, résidant de la commune Mutimbuzi en province de Bujumbura, a été arrêté à son domicile par des Imbonerakure et ces derniers l’ont conduit vers une destination inconnue. Le mobile de son arrestation ne lui a pas été communiqué ;

8. En date du 20 Février 2021, un militant du parti CNL (Congrès National pour la Liberté) connu sous le nom de Déo Karenzo, résidant sur la colline Gitare de la commune Nyamurenza en province de Ngozi, a été arrêté par les agents de la police sans mandat ni motif de l’interpellation avant d’être relaxé le même jour dans la soirée ;

9. En date du 22 Février 2021, Adon Bimazubute, un démobilisé du FNL (Forces Nationales de Libération) converti en militant du parti CNL (Congrès National pour la Liberté), résidant dans la localité de Gisyo, zone Kanyosha en commune Muha de la mairie de Bujumbura, a été arrêté par les agents du Service National de Renseignement, il est accusé d’outrage au chef de l’État parce qu’il a dit que la corruption mine le gouvernement d’Évariste Ndayishimiye selon lui, dans un bar dit Kumvubu avec ses amis ;

10. En date du 24 Février 2021, deux (2) militants du parti CNL (Congrès National pour la Liberté), connus sous les noms de Wilson Bizoza et Gratien Ndikumwenayo, résidant dans la localité de Rungazi, zone et commune Gitobe de la province Kirundo, ont été arrêtés par deux (2) agents du Service National de renseignement, Sylvère Bayaga et Bienvenu Ntaconayigize, accompagnés des jeunes Imbonerakure. Les victimes ont été accusées de tenir des réunions nocturnes de leur parti, ce qu’ont dénoncé leurs proches qui n’ont même pas eu droit de leur rendre visite au cachot de la commune Bugabira où ils étaient détenus ;

11. En date du 25 Février 2021, Emmanuel Ndaruzaniye, résidant à la 13è transversale de la zone Maramvya, commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura, a été arrêté par des Imbonerakure dont Désiré Nduwimana surnommé Mukesha, Ibrahim Bizimana connu sous le sobriquet de Mafyeri, Thierry Nshimirimana surnommé Shimwe ainsi que le nommé Sibomana qui l’ont sauvagement battu avant de l’emmener au cachot de cette zone. Ses bourreaux l’accusaient de collaborer avec les groupes armés alors qu’il venait à peine de rentrer d’exil le 14 Février 2021 en provenance de l’Ouganda où il s’était réfugié en 2015.

 

  • ATTEINTES À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE

À part les assassinats et les arrestations arbitraires, d’autres violations des droits de l’homme ont aussi été documentées au cours de ce mois de Février 2021. En effet, les Imbonerakure, jeunes affiliés au parti au pouvoir le CNDD-FDD, qualifiés de milices par les Nations Unies, continuent de faire la pluie et le beau temps à travers tout le pays où ils s’arrogent le droit de malmener la population surtout celle appartenant aux partis politiques de l’opposition, en se livrant aux actes de torture sans qu’ils ne soient inquiétés. Ils sont soutenus dans ces sales
besognes par l’administration de la base au sommet.

Ainsi, six (6) cas d’atteintes à l’intégrité physique, ont été recensés durant ce mois de Février 2021.

 

  • TORTURE

En date du 27 Février 2021, Geneviève Iratuzi, leader des femmes du parti CNL (Congrès National pour la Liberté) dans la localité de Susa , zone Murungurira, en commune Ntega dans la province Kirundo, a failli être lynchée par deux Imbonerakure Egide Ndikunzira et Herman Ndayihaye. Ces derniers la frappaient parce qu’elle portait un T-shirt du CNL. La victime a reçu des soins à l’hôpital de Kirundo tandis que ses bourreaux n’ont pas été inquiétés.

 

  • COUPES ET BLESSURES VOLONTAIRES

1. En date du 09 Février 2021, un militant du parti CNL (Congrès National pour la Liberté), résidant dans la localité Kumana, zone Nyagasozi, en commune Busoni de la province Kirundo, connu sous le nom de Tribert Nyakarundi, a été poignardé par quatre (4) Imbonerakure dont Oscar Mirerekano, Adalbert Mizero, Laurent Bimazubute et Régis Nzindunkiye. La victime voulait que ces Imbonerakure paient l’argent des bières qu’ils venaient de consommer dans son bar et ces derniers l’ont poignardé au lieu de régler leur facture, raconte une source locale ;

2. En date du 14 Février 2021, quatre (4) militants du parti CNL (Congrès National pour la Liberté), résidant dans la localité de Gisovu de la commune Kanyosha en province Bujumbura, connus sous les noms de Salomon Ciza, Albert Minani, Patrick Hasabamagara et Jean Luc Ndikumana, ont été grièvement blessés par les jeunes Imbonerakure dirigés par un certain Samuel Cishahayo. La seule faute qu’ils ont commise selon les bourreaux est d’avoir participé au deuxième anniversaire du CNL à Bujumbura. Les victimes ont été admises dans l’un des hôpitaux de la mairie de Bujumbura pour recevoir des soins.

 

  • CONCLUSION

Le mois de Février 2021 couvert par le présent rapport reste caractérisé par des violations graves des Droits de l’Homme comme les périodes précédentes. Le phénomène récurrent des corps sans vie découverts dans divers endroits comme les rivières, les buissons puis enterrés hâtivement par des responsables administratifs, met en exergue une complicité présumée des hautes autorités avec les criminels. Dans un contexte où la Justice et les Institutions Nationales des Droits de l’Homme comme la CNIDH et l’Ombudsman semblent être pris en otage par l’Exécutif, l’aboutissement des enquêtes menées par le Ministère public sur des d’atteintes au droit à la vie ou des disparitions forcées reste hypothétique concernant les Droits de l’Homme.

Certains administratifs à la base, en complicité avec des policiers et des miliciens Imbonerakure, s’illustrent dans ces violations en toute impunité, d’où la tendance continuelle des autorités à la renonciation de la responsabilité de protéger la population au profit des intérêts sectaires.

L’appareil judiciaire continue ainsi à couvrir ces crimes opérés en violation de la procédure qui régit la chaîne pénale au Burundi. Nous remarquons particulièrement des crimes qui se commettent au sein de la communauté et des ménages mais qui restent impunis suite à l’impunité qui gangrène le système judiciaire burundais, à la corruption ou au fait que les auteurs sont des administratifs ou des Imbonerakure. Nous avons remarqué qu’au cours de ce mois de Février 2021, des cas de violations des droits humains à l’endroit des opposants, surtout les membres du CNL dans les provinces de Bujumbura et Kirundo, se sont accrus.

Au regard de cette situation, les autorités burundaises doivent prendre conscience de la gravité de la situation et mettre fin aux récurrentes violations des droits humains.

 

  • RECOMMANDATIONS

À l’endroit du gouvernement du Burundi de :

* Mettre fin aux multiples violations des Droits de l’Homme conformément à ses engagements nationaux, régionaux et internationaux de protection des Droits de l’Homme;

* Se saisir des cas de crimes dans les ménages pour des allégations de sorcellerie ou des conflits fonciers qui deviennent monnaie courante suite à l’impunité qui gangrène le système judiciaire;

* Veiller au respect de la loi dans les opérations de la police et garantir un procès équitable aux prévenus.

Aux institutions nationales de Droits de l’Homme de :

* Se ressaisir en usant de leur pouvoir que leur confère la loi pour promouvoir le respect des Droits de l’Homme au Burundi face aux nombreux cas récurrents de violations de Droits de l’Homme.

À l’endroit de la communauté internationale :

* Suivre de près l’évolution critique de dégradation des Droits de l’Homme en tenant compte des facteurs de risque pouvant aggraver la situation des Droits de l’Homme au Burundi dans le contexte post électoral;

* Suivre de près la question des violations des droits humains dont les réfugiés burundais font objet comme de nombreux cas d’arrestations.