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25 février 2021

Déclaration : Difficultés d’accès aux soins de santé pour les prisonniers

ACAT-Burundi

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1. La problématique d’accès aux soins de santé pour la catégorie de détenus poursuivis pour des infractions à caractère politique tant dénoncé dans nos différents rapports continue à parler d’elle dans certains établissements pénitentiaires au Burundi ;

2. Ce phénomène récurrent se manifeste au moment où il y a un manque criant de médicaments de base dans presque tous les dispensaires des prisons. Lorsque le médecin consultant des détenus constate qu’il y a nécessité de référer le patient à l’extérieur, il le mentionne sur sa fiche, ce que la direction ou le service social de la prison peut défier en refusant au patient la sortie à l’extérieur pour accéder aux soins indisponibles dans les prisons ;

3. Plusieurs détenus ont été victimes de cette situation et parmi eux certains ont succombé surtout dans la prison de Bujumbura (Mpimba), d’autres sont devenus handicapés et tout cela dans l’impunité, les prisonniers politiques étaient beaucoup plus concernés par ce refus d’accès aux soins de santé ;

4. Actuellement, nous constatons une amélioration dans la prison de Mpimba après un changement au niveau de la direction de ladite prison. Malheureusement ce phénomène se fait toujours remarquer dans les prisons de Muramvya, Gitega et Rutana ;

Les cas de Pontien Karerwa de la prison de Muramvya; Pascal Dombori et Elvis Arakaza de la prison de Gitega; Alexis Bucumi, Richard Nkurunziza, Salvator Dushimirimana, Sabin Niyindaba, Innocent Habumugisha, Fulgence Ntaconzoba, Elias Nizigiyimana, Vital Nzojiyobiri et Laurent Niyonkuru de la prison de Rutana illustrent cette situation.

5. Rappelons que l’accès aux soins de santé est garanti par les lois nationales ainsi que les textes juridiques régionaux et internationaux auxquels le Burundi a souscrit, en l’occurrence la Constitution de la République du Burundi (articles 19 et 55), la loi portant régime pénitentiaire au Burundi ( article 12), la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (article 16), la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (article 25) ainsi que les règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus en leur article 25 ;

6. Le Pacte International relatif aux Droits Économiques et Socioculturels prône pour la non-discrimination du droit à la santé. Le Comité des droits économiques et socioculturels a recommandé de façon spécifique l’obligation de respecter le droit à la santé, notamment en s’abstenant de refuser ou d’amoindrir l’égalité d’accès ;

7. En définitive, ces lois et directives indiquent que les personnes privées de liberté doivent bénéficier d’un meilleur état de santé au même titre que les personnes en liberté. En réalité le fossé entre les textes et la pratique reste encore profond au Burundi ;

8. Il sied de signaler que la corruption est aussi un facteur qui rend inaccessibles les soins de santé aux détenus car les policiers qui, normalement, sont chargés d’accompagner les prisonniers à l’hôpital, exigent des pots-de-vin aux détenus démunis pour exécuter cette tâche ;

9. Le refus aux soins de santé a déjà causé des conséquences néfastes aux prisonniers, il est aisé de constater que le droit à la santé est violé dans les établissements pénitentiaires pour des raisons purement politiques. La responsabilité revient donc à l’État car c’est lui qui est responsable de respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à la santé de ses sujets tel que garantit par les instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux ;

10. Les manquements par l’État à ses obligations, non pas par incapacité mais par manque de volonté, lui exposent à des sanctions en vertu des articles 43 et le§ 59 de l’observation générale N° 14 du CODESC du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 Décembre 1966 que le Burundi a ratifié qui disposent respectivement comme suit :

« Il n’est pas permis à l’État de justifier l’inexécution de certaines obligations considérées comme fondamentales à savoir l’adoption des mesures incompatibles avec les obligations fondamentales relevant du droit à la santé et le fait d’omettre ou de refuser de prendre des mesures indispensables découlant des obligations juridiques » et « Toute personne ou groupe victime d’une atteinte au droit à la santé doit avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, à l’échelle nationale et internationale. Toutes les victimes d’atteintes à ce droit sont nécessairement fondées à recevoir une réparation adéquate, sous forme de restitution, indemnisation, satisfaction ou garantie de non-répétition » ;

11. Compte tenu de tout ce qui précède, l’ACAT-Burundi recommande à l’État du Burundi de se ressaisir en vue du respect de la vie de la personne humaine et au respect de la loi et les conventions internationales auxquelles il a souscrit ;

12. ACAT-Burundi recommande à la communauté internationale de contribuer davantage à l’amélioration de la promotion des droits de la personne humaine et faire exercer les mécanismes internationaux adéquats pour contraindre le Gouvernement du Burundi au respect des droits humains en général, et ceux des droits des prisonniers en particulier.

 

Fait le 25 Février 2021

Maître Armel Niyongere

Représentant légal de l‘ACAT-Burundi

 

Contact Presse:

Maître Jean-Claude Ntiburumunsi

Responsable du Département Juridique

Téléphone : +32 492 512 827